L’article 10§VI de la loi 95-73 du 21 janvier 1995 repris par l’article L.254-1 du code de la sécurité intérieure à compter du 1er mai 2012, réprime le fait d’installer un système de vidéo-protection ou de le maintenir sans autorisation, de procéder à des enregistrements de vidéo protection sans autorisation, de ne pas les détruire dans le délai prévu, de les falsifier, d’entraver l’action de la commission départementale de vidéo-protection ou de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, de faire accéder des personnes non habilitées aux images ou d’utiliser ces images à d’autres fins que celles pour lesquelles elles sont autorisées ;
Les Tribunaux font aujourd’hui une application très stricte de ce texte concernant le détournement du système de video surveillance.
Un restaurateur l’a appris à ses dépens suite à un arrêt de la Cour d’appel de Paris, pôle 6 – 1ère chambre, du 24 février 2015.
Ce dernier ainsi que la société ont été cité par le procureur pour avoir utilisé des images de vidéo-protection (ou vidéo-surveillance) à d’autres fins que celles pour lesquelles elles sont autorisées, au préjudice d’un salarié, dans le cadre d’une procédure prud’homale.
Lors de l’instance prud’homale l’opposant à son employeur, le salarié été informé que son employeur avait transmis à son avocat deux photographies issues des caméras de vidéo protection de l’établissement, le montrant entrant et sortant du restaurant (pièces n°74 et 78 sur le bordereau de communication de pièces).
Le salarié s’est adressé à la Commission nationale de l’informatique et des libertés qui lui a indiqué que le dispositif de vidéosurveillance en cause avait été déclaré auprès d’elle le 23 juillet 2007, avec pour finalité « d’améliorer la sécurité, de dissuader toutes sortes de dégradations, et de disposer d’images en cas d’intrusion de toute personne non autorisée », et ne pouvait « avoir pour objectif la mise sous surveillance d’un employé déterminé ou d’un groupe d’employés », la déclaration ne concernant que les caméras installées dans les espaces non ouverts au public du restaurant (cuisines, réserves, bureaux … ), celles placées dans l’espace ouvert au public étant soumises à l’obtention préalable d’une autorisation préfectorale.
Les deux photographies n’ont pas été produites devant le conseil des prud’hommes qui par jugement définitif en 2012, a condamné la société à verser au salarié les sommes de 33.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La réaction de l’avocat de l’employeur, lequel après avoir voulu communiquer les photographies litigieuses, les a retiré de son dossier de plaidoirie, n’aura pas suffit puisque après avoir été condamnées en première instance, la Cour a condamné la société et son directeur en appel, au motif qu’ils « ont transmis ces deux photographies au conseil du salarié pour qu’elles soient utilisées dans le cadre de l’instance prud’homale en cours ; que cette communication d’images à d’autres fins que celles pour lesquelles elles avaient été autorisées suffit à caractériser l’infraction précitée » ;
Certes le jugement de première instance a été infirmé partiellement sur la culpabilité et la Cour a dispensé de peines les prévenus, « les pièces litigieuses n’ayant pas été produites devant le conseil de prud’hommes », mais il sonté été condamnés in solidum à verser au salarié une somme de 500 euros en réparation du préjudice moral qu’il a subi et une somme de 1.000 euros au titre de 1 ’article 475-1 du code de procédure pénale ;
La Cour de paris a donc fait une appréciation très extensive de la notion d’usage, contestable à notre sens, puisque les pièces avaient été retirées des débats.
On peut également s’interroger sur le sort du jugement du conseil des prud’hommes si l’employeur avait pu produire ces éléments.
Néanmoins, cela a le mérite de rappeler que le statut juridique des caméras et de leur usage est bien distinct selon leur implantation.