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Il est désormais possible d’installer une vidéosurveillance sans en informer ses salariés, mais sous certaines conditions

La Cour de cassation affirme dans un arrêt rendu le 14 février 2024 publié au bulletin que l’employeur peut installer un dispositif de vidéosurveillance sans informer ses salariés si cela est proportionné au but poursuivi.

En raison de vols repérés par vidéosurveillance une salariée est licenciée pour faute grave et saisit la justice considérant que son licenciement doit être annulé, car il considère que n’ayant pas été informé par l’employeur installation, la preuve rapportée est illicite.

La cour d’appel rejette sa demande au motif que le dispositif de vidéosurveillance était indispensable pour produire la preuve de vols dans les stocks de produits et proportionnée au but poursuivi. La salariée se pourvoit en cassation, et son pourvoi est rejeté, la Cour considérant que la preuve illicite est ici recevable car le but poursuivi par l’employeur, à savoir la protection des biens de l’entreprise, est légitime.

De plus, l’atteinte portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi est proportionnée car les enregistrements ont été seulement vus par la dirigeante de l’entreprise dans un laps de temps limité.

Ainsi, lorsque l’utilisation d’un tel dispositif est indispensable pour établir la preuve, la vidéosurveillance peut être utilisée par l’employeur sans informer au préalable ses salariés.

Deux conditions sont donc à réunir :

  • légitimité du but poursuivi (protection des biens)
  • atteinte proportionnée à la vie personnelle (enregistrements vu que par le dirigeant et laps de temps limité

D’une façon plus générale on peut donc considérer désormais que, dans un procès civil, l’illicéité dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats.

Le juge doit apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits, à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

VIDEOSURVEILLANCE : Lettre ouverte au Maire de Chambly

Monsieur le Maire
Place de l’Hôtel de ville
60230 CHAMBLY
Chambly, le 6 janvier 2016

Lettre ouverte

Monsieur le maire,

J’apprends avec consternation que vous avez fait voter au conseil municipal l’installation de 57 caméras de vidéosurveillance dans la ville de Chambly, pour un budget supérieur à 500 000 €.

Je tiens à vous faire part de ma grande préoccupation concernant de telles mesures attentatoires aux libertés individuelles.

J’ignore si un jour vous avez eu l’occasion de visiter une maison d’arrêt, mais pour votre information l’impression oppressante que cela donne est d’être en permanence sous l’œil d’un surveillant ou d’une caméra.

S’il peut être compréhensible que la vie privée et l’intimité disparaissent en prison, puisqu’il s’agit de torture mentale légale, la vie que vous êtes en train de créer à Chambly n’est rien d’autre qu’une maison d’arrêt à ciel ouvert.

Vous répondrez peut-être qu’il n’y a pas de problème quand on a rien à cacher.

Dans ce cas puis-je vous demander une copie de tous vos emails, de vos messages et photos sur Facebook, et de tous les fichiers sur votre ordinateur ? J’aimerais tout savoir sur votre vie privée…

Êtes-vous irréprochable ? Connaissez-vous toutes les dispositions contenues dans les 3172 pages du code pénal, sans compter les dispositions pénales figurant dans tous les codes ?

Un rapport de la Cour des comptes intitulé « l’organisation et la gestion des forces de sécurité publique » indique que :

• l’effet dissuasif des caméras de vidéoprotection est faible voire contre-productif
• les faits élucidés grâce à des caméras de vidéoprotection sont marginaux
• les installations de vidéoprotection coûtent cher
• les installations de vidéoprotection ne sont pas toujours conformes à la loi

Malgré tout bon nombre de municipalités, sans doute à des fins budgétaires, après avoir répondu aux sirènes des rond-points, des ralentisseurs, obéissent sans discernement à la mode de la surveillance de masse.

Des caméras étaient déjà installées en ville. N’était-ce pas suffisant ?

Qui sont ces personnes qui vont m’observer quotidiennement ?

Pourquoi accepterai-je que vos personnels puis ordinateurs enregistrent aujourd’hui ou demain mes fréquentations, relations intimes, pratiques culturelles, religieuses, politiques, associatives ?

Pourquoi accepterai-je que vous procédiez à de « l’identification préventive » comme cela se pratique déjà dans certaines villes, notamment Nimes, en consignant mes signes distinctifs vestimentaires au cas où se produirait plus tard un fait divers ?

Il est scandaleux que les gens respectueux des lois soient régulièrement traités comme s’ils avaient quelque chose à cacher.

Ce n’est pas au peuple de payer les erreurs politiques de ses dirigeants, dont la disparition des frontières en est une, ce qu’il a fallu que de dramatiques événements révèlent enfin.

Cette lente mais puissante immixtion du contrôle étatique dans la vie des gens s’avère être une bombe à retardement à l’aune de l’explosion technologique que nous connaissons actuellement.

Nous sommes désormais sous l’œil d’une caméra dans les transports en commun, ascenceurs, magasins, sur les routes, au cœur de nos villes, déjà dans nos habitations, demain dans nos chambres ?

Je vous invite à méditer cette citation célèbre, laquelle n’a malheureusement pas assez d’écho auprès des masses populaires gargarisées de faits divers surmédiatisés provenant du monde entier et générant un faux sentiment d’insécurité :

“Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux.” — Benjamin Franklin

Je vous invite donc grandement revoir votre position dans l’intérêt de vos administrés.

J’entends assurer une large diffusion à la présente.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le maire, l’expression de ma considération distinguée.

Le détournement du système de video surveillance

L’article 10§VI de la loi 95-73 du 21 janvier 1995 repris par l’article L.254-1 du code de la sécurité intérieure à compter du 1er mai 2012, réprime le fait d’installer un système de vidéo-protection ou de le maintenir sans autorisation, de procéder à des enregistrements de vidéo protection sans autorisation, de ne pas les détruire dans le délai prévu, de les falsifier, d’entraver l’action de la commission départementale de vidéo-protection ou de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, de faire accéder des personnes non habilitées aux images ou d’utiliser ces images à d’autres fins que celles pour lesquelles elles sont autorisées ;

Les Tribunaux font aujourd’hui une application très stricte de ce texte concernant le détournement du système de video surveillance.

Un restaurateur l’a appris à ses dépens suite à un arrêt de la Cour d’appel de Paris, pôle 6 – 1ère chambre, du 24 février 2015.

Ce dernier ainsi que la société ont été cité par le procureur pour avoir utilisé des images de vidéo-protection (ou vidéo-surveillance) à d’autres fins que celles pour lesquelles elles sont autorisées, au préjudice d’un salarié, dans le cadre d’une procédure prud’homale.

Lors de l’instance prud’homale l’opposant à son employeur,  le salarié été informé que son employeur avait transmis à son avocat deux photographies issues des caméras de vidéo protection de l’établissement, le montrant entrant et sortant du restaurant (pièces n°74 et 78 sur le bordereau de communication de pièces).

Le salarié s’est adressé à la Commission nationale de l’informatique et des libertés qui lui a indiqué que le dispositif de vidéosurveillance en cause avait été déclaré auprès d’elle le 23 juillet 2007, avec pour finalité “d’améliorer la sécurité, de dissuader toutes sortes de dégradations, et de disposer d’images en cas d’intrusion de toute personne non autorisée”, et ne pouvait “avoir pour objectif la mise sous surveillance d’un employé déterminé ou d’un groupe d’employés”, la déclaration ne concernant que les caméras installées dans les espaces non ouverts au public du restaurant (cuisines, réserves, bureaux … ), celles placées dans l’espace ouvert au public étant soumises à l’obtention préalable d’une autorisation préfectorale.

Les deux photographies n’ont pas été produites devant le conseil des prud’hommes qui par jugement définitif en 2012, a condamné la société à verser au salarié les sommes de 33.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La réaction de l’avocat de l’employeur, lequel après avoir voulu communiquer les photographies litigieuses, les a retiré de son dossier de plaidoirie,  n’aura pas suffit puisque après avoir été condamnées en première instance, la Cour a condamné la société et son directeur en appel, au motif qu’ils “ont transmis ces deux photographies au conseil du salarié pour qu’elles soient utilisées dans le cadre de l’instance prud’homale en cours ; que cette communication d’images à d’autres fins que celles pour lesquelles elles avaient été autorisées suffit à caractériser l’infraction précitée” ;

Certes le jugement de première instance a été infirmé partiellement sur la culpabilité et la Cour a dispensé de peines les prévenus, “les pièces litigieuses n’ayant pas été produites devant le conseil de prud’hommes”, mais il sonté été condamnés in solidum à verser au salarié une somme de 500 euros en réparation du préjudice moral qu’il a subi et une somme de 1.000 euros au titre de 1 ’article 475-1 du code de procédure pénale ;

La Cour de paris a donc fait une appréciation très extensive de la notion d’usage, contestable à notre sens, puisque les pièces avaient été retirées des débats.

On peut également s’interroger sur le sort du jugement du conseil des prud’hommes si l’employeur avait pu produire ces éléments.

Néanmoins, cela a le mérite de rappeler que le statut juridique des caméras et de leur usage est bien distinct selon leur implantation.

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Video surveillance privee sur la voie publique

Un décret du 29 avril 2015 précise l’utilisation de la vidéo surveillance privée sur la voie publique autour des lieux sensibles, et détermine ” les conditions de mise en œuvre de dispositifs de vidéoprotection sur la voie publique, dans les lieux particulièrement exposés à des risques d’agression ou de vol, aux abords immédiats des bâtiments et installations des commerçants”.

Le décret précise que ce type de dispositif privé doit garantir que les images enregistrées ne peuvent être visionnées que par les forces de police, cela pour être en conformité avec les décisions du Conseil Constitutionnel.cameravideo

Cela veut dire que les caméras extérieures doivent se trouver dans un système déconnecté des caméras intérieures.