La défense stratégique au service de la stabilité de l’enfant

Dans deux affaires récentes, nous sommes intervenus en matière de résidence d’enfant, en obtenant des décisions judiciaires favorables à deux pères confrontés à des projets de déménagement de leurs ex-conjointes.

Ces décisions rappellent que la jurisprudence française privilégie avant tout l’intérêt supérieur de l’enfant, marqué par la stabilité de son cadre de vie et le maintien de ses repères, conformément à l’article 373-2-11 du Code civil. Elles illustrent également la capacité de l’avocat à faire valoir ces principes devant le tribunal.

L’intérêt supérieur de l’enfant face aux projets de déménagement

En matière de résidence des enfants après séparation, la jurisprudence française privilégie systématiquement la stabilité du cadre de vie et le maintien des repères jurisprudentielle, conforme à l’article 373-2-11 du Code civil, s’illustre parfaitement dans les deux décisions commentées où des pères ont obtenu gain de cause face au déménagement de leurs ex-conjointes.

Premier cas : Le déménagement professionnel ne justifie pas tout

Dans la première affaire jugée par le Tribunal judiciaire de Senlis le 1er juillet 20252, une mère souhaitait déménager dans le sud de la France pour des raisons professionnelles, emmenant avec elle son fils, âgé de 5 ans. Malgré ses arguments sur la réorganisation de son entreprise et une évolution de carrière, le juge a fixé la résidence de l’enfant chez le père.

Les motifs déterminants de la décision

Le magistrat a retenu plusieurs éléments essentiels dans sa motivation :

La remise en question des violences alléguées : La mère invoquait des faits de violence de la part du père, mais le juge a souligné l’ambiguïté de son positionnement. En effet, malgré ces allégations graves, elle continuait de confier l’enfant au père “sans aucune précaution” et proposait même qu’il passe “un mois complet” avec lui durant l’été.

L’absence de contrainte professionnelle réelle : Bien que la mère évoquait un plan de sauvegarde de l’emploi, le juge a relevé qu’elle n’avait pas tenté d’obtenir une mutation à proximité de l’ancien domicile conjugal. Le déménagement relevait donc davantage d’un choix personnel que d’une contrainte professionnelle impérieuse2.

La préservation des repères de l’enfant : Le centre des intérêts de l’enfant (école, lieu de vie du père) se situait dans l’Oise. Sa stabilité primait sur les ambitions professionnelles de la mère.

Second cas : L’échec de la résidence alternée et ses conséquences

La seconde décision, rendue par le Tribunal judiciaire de Beauvais le 8 juillet 20253, illustre parfaitement les conséquences du non-respect des accords parentaux. Une mère avait quitté l’Oise pour Paris avec ses trois enfants, mettant en échec une résidence alternée initialement convenue.

Le non-respect de l’accord parental sanctionné

Dans cette affaire, les parents s’étaient accordés sur une résidence alternée avec l’engagement du père de chercher un logement dans un rayon de 30 km du nouveau domicile de la mère. Cependant, le père a pris un bail à plus de 30 km, rendant la résidence alternée impraticable.

Le juge a néanmoins fixé la résidence des enfants chez le père, retenant que :

  • La mère s’était éloignée du lieu de vie habituel des enfants
  • Les enfants avaient leurs repères dans l’Oise où ils étaient scolarisés
  • Aucune défaillance éducative n’était reprochée au père
  • L’intérêt des enfants commandait le maintien de leur cadre de vie habituel.

Une jurisprudence protectrice de la stabilité familiale

Ces deux décisions s’inscrivent dans une jurisprudence constante des tribunaux français qui sanctionnent les déménagements non justifiés par des contraintes impérieuses. Comme le souligne régulièrement la Cour de cassation, “l’intérêt de l’enfant commande que soient maintenues les relations avec ses deux parents”.

Les critères d’appréciation des juges

Les tribunaux examinent systématiquement :

Les motivations du déménagement : Une mutation professionnelle subie sera mieux accueillie qu’un choix personnel de rapprochement avec un nouveau compagnon.

Le respect des droits de l’autre parent : L’information préalable et en temps utile, prévue par l’article 373-2 du Code civil, est une obligation légale dont le non-respect peut être sanctionné.

La stabilité de l’enfant : école, amis, famille, activités… tous ces éléments constituent des repères essentiels que les juges s’attachent à préserver.

L’aptitude à maintenir les liens familiaux : Conformément à l’article 373-2-11 du Code civil, le juge évalue “l’aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l’autre”.

Une tendance jurisprudentielle confirmée

Les statistiques judiciaires le confirment : selon une étude portant sur 100 décisions de cours d’appel, il se dégage “une tendance assez nette à la sanction de l’éloignement géographique : le simple fait de partir peut être assimilé à une faute sanctionnée par la perte de la résidence habituelle”.

Cette orientation jurisprudentielle répond à un objectif clair : protéger l’intérêt supérieur de l’enfant en lui garantissant stabilité et continuité dans ses repères quotidiens. Elle rappelle également que l’autorité parentale s’exerce conjointement et que les décisions majeures, comme un changement de résidence, ne peuvent être prises unilatéralement.

Ces deux décisions démontrent qu’avec une stratégie juridique adaptée et une argumentation solide, il est possible d’obtenir le transfert de résidence chez le père lorsque le déménagement de la mère n’est pas justifié par l’intérêt supérieur de l’enfant. Ainsi, lorsque le projet de déménagement n’est pas justifié par une raison professionnelle impérative, la jurisprudence – avec l’appui d’une plaidoirie experte – sanctionne souvent ce qui pourrait porter atteinte à cette précieuse stabilité, permettant aux pères engagés dans ces procédures de faire valoir leurs droits et de protéger au mieux l’intérêt de leurs enfants.